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«Le ministre Christian Dubé est plutôt convaincant. Son discours est clair et il sait comment mobiliser les gens et franchement, son plan contient des idées intéressantes — la majorité du moins.»
Le ministre Christian Dubé est plutôt convaincant. Son discours est clair et il sait comment mobiliser les gens et franchement, son plan contient des idées intéressantes — la majorité du moins.
Il a même la modestie de reconnaître qu’il s’agit surtout d’idées connues, mais je vais le dire comme ça m’est venu : malgré tout son travail durant la pandémie, il ne connaît pas encore vraiment notre système de santé, un système qui n’a rien de normal depuis 2020.
Je ne parle ici pas des nombreux effets délétères d’une crise qui n’en finit plus, mais des anomalies de la gestion appliquée depuis plus deux ans, qui ont fait sauter beaucoup de contraintes — parce que c’était nécessaire : on gouverne par décrets, les hôpitaux dépensent parfois sans compter, les conventions collectives ne tiennent plus et les décisions se prennent parfois un peu trop rapidement. Une sorte de petit paradis administratif pour gestionnaire pressé dans l’univers glauque de la pandémie.
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Oublions un instant tous les drames humains et professionnels, examinons seulement cet inhabituel contexte de gestion dans lequel le ministre découvrait notre réseau de la santé au moment où il remplaçait madame McCann, pour prendre en main cette immense machine, en grande difficulté, mais tout de même boostée aux stéroïdes.
Présent sur le terrain, paraissant avoir développé une bonne compréhension des principaux enjeux et ayant rencontré des gens qui lui ont beaucoup appris, il a rapidement relevé plusieurs vrais défis, ouvrant par exemple la porte à la téléconsultation, développant un Clic-Santé utile ou opérant une campagne de vaccination réglée au quart de tour.
Saluons aussi le décloisonnement accéléré de plusieurs gestes professionnels, l’engagement de milliers de préposés ou la transformation rapide de nos hôpitaux en bunkers pour affronter le virus. Voilà, malgré les difficultés vécues, des occasions de changement favorables pour qui sait en profiter. Parce qu’une crise permet de telles avancées, qui n’auraient pas débloqué autrement.
Mais voilà, ces réussites ont peut-être nourri le ministre de certaines illusions : comme rien n’est dans un état habituel, l’analyse ne peut qu’être un peu biaisée en ce moment, dans un contexte artificiel, assez éloigné de l’état « normal » d’un réseau nécessairement plus complexe, rigide, corporatif, tiraillé, affaibli par des problèmes matériels et humains chroniques et des compressions budgétaires récurrentes.
La question est maintenant de savoir si on capitalisera sur les réussites pour se projeter dans l’avenir autour de cet ambitieux Plan santé, tirant ainsi le meilleur d’une situation qui nous a fait plier les genoux, ou si on se dirigera plutôt vers une sorte de ressac.
Dans la mesure où le plan s’appuie sur un recrutement massif de personnel soignant et des ressources financières majorées alors que nos gouvernements ont accumulé des déficits importants, est-ce que les infirmières (qu’on irait chercher ailleurs en passant, contribuant ainsi à d’autres pénuries) seront au rendez-vous? Est-ce que le robinet des finances publiques coulera toujours aussi librement ? Peut-être pas ?
Qui nous dit que nous ouvrirons bien ces 4000 lits d’hospitalisation, représentant une hausse majeure de 25 % ? Qui peut prédire qu’on pourra vraiment se payer ces dossiers informatisés universels valant une beurrée, dont nous n’avons jamais réussi à coordonner l’installation depuis plus de 10 ans ? Qui sait si on réussira à mobiliser autant de gens et de groupes d’intérêts si longtemps?
Le ministre, apparemment, qui arrive presque à nous en convaincre même si 2025, échéance de son plan, c’est vraiment tout près.
Quant à moi, malgré mes réserves face à certains idées ouvrant parfois la porte à des glissements potentiels — je pense au financement à l’activité ou à ce rôle accru donné au privé — je souhaite qu’on atteigne les principales cibles du plan proposé.
Et lorsque la volonté d’agir se frottera de plus en plus à la réalité, au fur et à mesure que la pandémie s’effacera, j’espère que des jours meilleurs viendront tout de même, plutôt qu’un autre douloureux lendemain de veille.
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