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«Les motions sans préavis augmentent le cynisme et contribuent même à une certaine désinformation.»
Je sais que je vais jeter un pavé dans la mare. Mais je pense sincèrement que les motions sans préavis augmentent le cynisme et contribuent même à une certaine désinformation. On peut sans doute faire beaucoup mieux.
Une motion sans préavis est une motion pour laquelle il n’est pas nécessaire de donner un avis préalable d’une journée ou qui est présentée avec le consentement de l’Assemblée.
Les motions sans préavis sont donc présentées aux groupes parlementaires le matin même, les jours où l’Assemblée siège. On peut faire une motion sur n’importe quel sujet, qu’il soit d’actualité ou non. Ces motions visent souvent à rendre un hommage à quelqu’un, à prendre une position politique ou à commémorer un événement. La plupart des partis réservent des sujets «à l’avance», mais des sujets d’actualité font en sorte que des sujets se décident le matin même.
Ensuite, le parti qui a pris l’initiative en premier propose un libellé. Puis, ce libellé circule auprès des groupes parlementaires et est discuté dans les caucus respectifs.
On a très peu de temps pour se décider, puis en fin de compte, on n’a pas le choix de voter, et ce, sans explication ni débat au salon bleu.
Voici la recette pour soulever la controverse avec une motion.
En premier lieu, on inclut des éléments avec lesquels tout le monde ou presque est d’accord. Puis, on y ajoute un élément inapplicable, qui fait débat ou alors qui rejette la faute sur quelqu’un.
Alors, un des groupes parlementaires ne votera pas pour la motion et on l’accusera d’être contre l’élément qui fait consensus. Idéalement, on choisit un sujet périlleux pour l’adversaire politique, pour tenter de semer la zizanie et mettre en relief une division interne. Alors, le refus d’appuyer la motion peut se répercuter en gros titres qui ne reflètent pas vraiment toutes les nuances. Car oui, des nuances, il y en a… et c’est tout un défi de les communiquer en politique.
Peu de gens écoutent le canal de l’Assemblée nationale, par conséquent, on ne voit pas tellement passer ces motions sauf quand elles portent sur le sujet du jour ou alors quand elles soulèvent la controverse.
Parmi toutes les motions qui servent à faire mal paraître les adversaires politiques, j’abhorre tout particulièrement les motions qui voyagent hors Québec. Prendre des positions sur des questions de relations internationales ne devrait ni faire l’objet de petite politique ni faire l’objet d’une prise de position précipitée un mercredi matin.
Par exemple, une motion visant à condamner les actions du chef d’état israélien ou alors une autre visant à appuyer les velléités indépendantistes d’un autre peuple ne devraient pas faire l’objet d’une motion sans préavis.
Ou alors celles qui s’appuient sur l’actualité du jour pour marquer quelques points rapido.
À ce titre, on peut citer l’exemple de la motion de blâme contre Yves Michaud, le 14 décembre 2000. Le député Lawrence Bergman dépose alors une motion sans préavis qui allait comme suit :
«Que l’Assemblée nationale dénonce sans nuance, de façon claire et unanime, les propos inacceptables à l’égard des communautés ethniques et, en particulier, à l’égard de la communauté juive tenus par Yves Michaud à l’occasion des audiences des états généraux sur le français à Montréal le 13 décembre 2000.»
On connaît la suite…
On pourrait aussi parler de la motion adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale pour déplorer l’utilisation de l’expression «personne ayant un vagin» dans un jugement de la Cour suprême du Canada. La plupart des députés n’avaient même pas eu le temps de lire le fameux jugement. Deux groupes parlementaires ont exprimé des regrets face à leur vote.
Je vous entends déjà me dire: «Voyons, Antonine. Tu exagères!».
C’est vrai. Parfois, on s’élève au-dessus de la partisanerie et on arrive à avoir des motions unanimes. C’est vrai, on voit régulièrement de motions à travers lesquelles on rend hommage à des OBNL, des gens qui ont accompli de grandes choses. On souligne des semaines nationales de ceci et de cela.
J’en conviens… mais on pourrait faire les choses autrement pour atteindre ce résultat positif plus souvent.
Pourquoi ne pas donner davantage de temps aux déclarations de députés? Nous pourrions donner quelques minutes à chacun des chefs lorsqu’un événement demande une commémoration ou lorsque la chambre souhaite rendre hommage à quelqu’un.
Pourquoi ne pas donner un autre espace pour que les groupes parlementaires s’entendent sur des libellés conjoints, quitte à ce que cela prenne quelques jours de discussions ?
Nous pourrions garder les motions du mercredi, dans le cadre desquelles il y a de vrais débats et durant lesquelles chacun peut exposer sa position et ses arguments.
Mon but n’est absolument pas d’enlever des outils aux parlementaires, au contraire. Il s’agit plutôt de s’interroger sur l’enjeu, à savoir comment permettre des débats plus sereins et plus intelligents.
Dans une future réforme parlementaire, il faudra s’y pencher.