Début du contenu principal.
Le Québec serait mieux servi par des experts indépendants du gouvernement pour la gestion de la pandémie.
Un gâteau de Noël traditionnel avec des fruits confits prend des semaines à préparer. On est en train de rater le nôtre pour une deuxième année de suite, parce qu’on s’y est mis à la dernière minute.
Le Québec est de nouveau la province qui rapporte le plus de cas au pays. On a autant de cas que l’Ontario et la Colombie-Britannique mis ensemble. Ils sont vingt millions…
Il y a deux semaines, le premier ministre François Legault estimait qu’on serait « capable d’avoir un beau Noël » si le nombre de nouveaux cas de COVID-19 se maintenait autour de 1200 par jour.
Comme la réalité a changé, le discours politique a changé lui aussi. La semaine dernière, il considérait que 2000 nouveaux cas par jour correspondent à une situation « sous contrôle », même si les hospitalisations commencent à remonter.
Lundi, M. Legault trouvait plutôt que 1500 à 2000 cas par jour, ça commençait à faire beaucoup.
Son ministre de la Santé a fait un 360 degrés intellectuel encore plus spectaculaire.
Il y a deux semaines, Christian Dubé disait qu’il « n’aimait pas » la forte croissance des cas au Québec. Contrairement au premier ministre qui avait déjà sorti sa nappe rouge et verte, M. Dubé était hésitant à promettre qu’on pourrait réveillonner à vingt convives.
L’esprit de Noël de son patron a ensuite rattrapé M. Dubé. La semaine dernière, il s’attendait à ce que le nombre de cas monte autour de 3000 par jour, mais ça ne l’inquiétait plus.
Pas de problème, faites le party à vingt, avec des enfants qui ne sont pas encore vaccinés, le beau-frère complotiste, et Mamie qui va avoir sa troisième dose en janvier.
Ho ho ho.
Mardi, l’inquiétude était revenue. M. Dubé était soudainement préoccupé par la hausse des cas qui, sans grande surprise, s’accompagne d’une hausse des hospitalisations.
Officiellement, la recommandation pour les soupers des fêtes à vingt tient encore, mais on nous a prévenus que ça pourrait changer. Le ministre aussi a demandé le retour immédiat en télétravail. Il y a un mois, il disait le contraire.
M. Dubé a annoncé en même temps que des tests rapides seront offerts à toute la population (sauf qu’il n’y en a pas assez pour l’instant). Ces mêmes tests rapides qui, il n’y a pas si longtemps, donnaient un « faux sentiment de sécurité ».
Qu’est-ce qui s’est passé ?
Le politique n’avait pas vu venir la hausse. Il s’est un peu peinturé dans le coin. Maintenant, il doit marcher sur la peinture.
Mi-novembre, ça faisait trois semaines que les cas avaient recommencé à monter. Le gouvernement est allé de l’avant avec des allégements, malgré tout. Un peu dans les écoles, un peu dans les restos, un peu dans les bars, un peu partout ailleurs. Juste assez pour augmenter le nombre de contacts et la transmission. La recommandation pour le télétravail avait été levée.
Une tonne d’experts et de commentateurs (dont l’auteur de ces lignes) ont posé la même question. Pour ceux qui étaient vaccinés, on vivait déjà presque normalement. Quelle était l’urgence de nouveaux allégements ? Pourquoi ne pas attendre qu’on ait donné au moins une première dose aux enfants, et mettre les chances de notre côté pour Noël ?
M. Legault avait fait valoir qu’il regarde avant tout les hospitalisations. Mais ne tenir compte que des hospitalisations revient à conduire en regardant dans le rétroviseur. Quand les hospitalisations montent, il est trop tard.
C’est ce qu’on voit présentement. Depuis deux semaines, les hospitalisations ont monté de 20 %, et de 40 % aux soins intensifs. Les chiffres ne sont pas très élevés, mais nos hôpitaux sont déjà hypothéqués : chaque jour, on prend du retard sur des rendez-vous, des examens, des traitements, des opérations.
Ajoutez à ça que la période des fêtes est toujours difficile, et le fait qu’il manque des milliers d’infirmières un peu partout dans le système.
C’est simple : on n’a juste pas les moyens d’ajouter des patients.
MM. Legault et Dubé l’ont finalement compris un peu tard, comme au printemps, quand ils avaient été « surpris » par la troisième vague que tout le monde voyait venir.
Ça soulève quelques questions.
Pourquoi, après un an et demi de pandémie, le premier ministre ne comprend-il toujours pas que si les cas explosent, les hospitalisations vont finir par monter ?
Pourquoi, alors que les tests rapides sont distribués depuis le printemps en Europe et qu’ils ont montré leur utilité, le ministre de la Santé ne découvre-t-il leur vertu que maintenant ?
Pourquoi, comme au printemps, comme à l’automne 2020, le gouvernement a-t-il encore pensé que le Québec était à l’abri de ce qui est arrivé partout ailleurs ?
MM. Legault et Dubé sont deux personnes intelligentes, mais passablement occupées. Se pourrait-il qu’ils soient mal conseillés ?
Les experts du gouvernement, notamment ceux de l’INSPQ et de la direction nationale de la santé publique, ont généralement commencé par dire non à chaque nouvel outil qui pouvait nous aider à contenir le virus, même quand la majorité des experts indépendants, ici et ailleurs, disaient oui.
Les masques ? Ils peuvent procurer un faux sentiment de sécurité, voire être dangereux.
Les tests rapides ? Faux sentiment de sécurité. Les purificateurs d’air ? Faux sentiment de sécurité aussi. Le passeport vaccinal ? Ses avantages seraient surestimés.
(En suivant cette logique, on devrait interdire les ceintures de sécurité, les coussins gonflables et les pneus d’hiver, au cas où ça pousserait certains à conduire plus vite, mais passons.)
Le gouvernement a fini par dire oui aux masques, aux tests rapides, au passeport vaccinal.
Pour les purificateurs d’air, c’est devenu politique. Pourtant, la science est claire, et les résultats aussi. L’Ontario en a installé des dizaines de milliers, dès l’an dernier. Ils ont quatre fois moins de cas que nous dans les écoles, en proportion. Ça n’aurait pas nui pour passer un « beau Noël », mettons…
Pourquoi ça bloque encore au Québec ?
Quand le gouvernement va finalement changer d’idée pour les purificateurs d’air — parce que les lois de la physique sont les mêmes ici et en Ontario —, on va encore avoir perdu des mois, et s’être donné un paquet de trouble pour rien.
À quoi sert donc une santé publique qui recommande toujours trois mois, six mois en retard ce qui se fonctionne ailleurs ?
Est-ce que les recommandations du directeur national de santé publique sont guidées par des considérations politiques ? Une chose est sûre, Dr Arruda semble sensible aux « risques politiques » des mesures sanitaires.
Tant qu’à avoir des recommandations en retard, possiblement teintées par la politique, peut-être est-il temps de mettre la clé dans la porte de la direction de la santé publique ? Au moins, on n’aura pas de doute sur qui décide.
Et quand on aura besoin d’avis indépendants, on demandera à des experts qui ne travaillent pas au gouvernement.