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Un spectacle d’une durée de 4 heures, mais qui donne un ressenti de 16 heures. Et tout ça pour voir votre progéniture performer pendant un bon 1 minute 56 secondes.
Juste avant que ne débute la saison des bals des finissants, il y a celle, toute aussi prenante, des spectacles de fins d’année. Ce moment tant attendu par les parents et pas mal moins par le reste de la famille, ce moment où les enfants de la maternelle jusqu’à la sixième année vont se livrer corps et âme dans des performances à géométrie beaucoup trop variable sur la scène de l’auditorium, dans le gymnase où à la cafétéria selon ce qui est potable dans leur école.
C’est l’aboutissement de beaucoup trop répétitions dans leurs classes sous la gouverne de madame Lucie qui a un bagage énorme de patience, d’encouragement et d’amour, mais dont le pavillon de l’oreille frôle l’épuisement total. Un spectacle d’une durée de 4 heures, mais qui donne un ressenti de 16 heures. Et tout ça pour voir votre progéniture performer pendant un bon 1 minute 56 secondes.
1 minute 56 secondes de bonheur entrecoupé de stress parce que vous voulez tant que ça se passe bien pour votre future Céline Dion ou votre clone de Fouki. 1 minute 56 secondes sur 4 heures (ressenti 16). On va se le dire, c’est loooooooooooooooooong loooooooooooooongtemps! Mais c’est si beau en même temps. Une dualité digne de celles de Loulou Sigouin.
Et nous la famille qui se retrouvons là par plaisir ou trop souvent parce que nous n’avons pas été assez rapides pour bredouiller une excuse zéro crédible. Essayant de se sauver aussi vite qu’une gang de coquerelles qui courent quand la lumière s’allume. Trop peu, trop tard. On y sera.
Je soupçonne d’ailleurs quelques parents de nous prendre en otage en se disant: "Toi aussi tu vas subir le supplice de la fesse engourdie sur une chaise en bois droite pendant que le petit Henry tente de faire disparaître une cenne noire derrière son oreille trop grosse pour son âge."
Je me souviens qu’en troisième année, pour le supplice de fin d’année, toute ma classe devait jouer de la flûte à bec. Cet instrument du démon qui a fait sacrer plus d’un parent pendant que nous répétions dans nos chambres jamais assez insonorisées.
Je faussais comme ce n’est pas permis dans le domaine du faussage. Sans m’en rendre compte, j’ai dû rendre sourds tous les chiens du voisinage avec mes ultrasons. À bout d’énergie, de technique et de patience, au trois quarts de l’année scolaire, ma professeure m’a proposé (exigé surtout) que je joue du xylophone de bois. Pas parce que j’étais meilleur sur ce nouvel instrument, mais parce que les notes étaient inscrites sur les bouts de bois et que ça m’aidait à suivre le rythme et le groupe.
Chaque vendredi, tous mes amis repartaient avec leur flûte dans leur sac d’école pour répéter durant le week-end pendant que moi, je traînais un gros xylophone à bout de bras jusque chez moi… à pied.
Finalement, durant notre 1 minute 56 secondes de gloire, il y avait 22 élèves qui crachaient de la bave dans leur flûte à bec, et deux autres, Nelson et moi, assis devant le groupe, qui tentaient de frapper les bonnes notes au bon moment sur nos xylophones en bois beige. Ma mère n’y a vu que du feu ! Elle croyait qu’on était les meneurs du groupe. Les solistes. De la fierté ou de l’aveuglement, peu importe, elle jubilait.
L’année suivante, sa joie ne passait plus dans la porte lorsqu’elle s’est rendu compte que son fils était maintenant seul en avant comme soliste au xylophone. Nelson avait déménagé. Je soupçonne sa famille d’avoir fui avec lui durant la nuit pour s’éviter une deuxième année de honte.
Mais en sixième année, j’ai pris ma revanche. Avec Marie-Josée Guèvremont, on a dansé en duo sur « You’re the want that i want » de la comédie musicale « Grease ». Marie-Josée nous avait chorégraphié un solide numéro. Du moins, dans mon souvenir, c’était du génie. Le seul hic, c’est que comme j’étais vraiment plus petit qu’elle, je personnifiais Olivia et elle, John. On était non-genré avant même que ça existe. Pour vous dire à quel point on a torché, on a gagné chacun 20 dollars, gracieuseté de la Caisse populaire Desjardins, pour avoir offert le meilleur numéro de cette longue soirée. Et vlan dans les dents la flûte à bec !
J’ai l’air de me plaindre de ces spectacles interminables d’enfants plus ou moins habiles, mais la vérité, c’est que je trouve ça cute. Et j’avais envie d’écrire ce papier parce que cette semaine, je n’ai pas pu assister à celui de ma fabuleuse Anaïs. Tsé !
Elle m’avait invité officiellement via un message Messenger. Ce n’est pas rien. Mais à cause de la distance et de mon horaire de boulot, je n’ai pas pu partager un mal de dos avec le reste de la famille assis trop longtemps sur un banc dur. Mais je vous dépose sa photo de jeune fille fière de rocker la batterie.
Une vraie Ana métal.