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Si on entend de plus en plus parler de dépression, d’épuisement professionnel et de troubles de l’humeur, les personnes aux prises avec des troubles psychotiques se sentent bien souvent laissées pour compte, et mal représentées.
Serge Tracy a obtenu plusieurs diagnostics psychiatriques au fil du temps, il «coche plusieurs cases», dit-il en riant. Mais il se décrit avant tout comme un «entendeur de voix».
«Un entendeur de voix, c’est quelqu’un qui a des perceptions inhabituelles, auditives, visuelles ou autres. Ça a été défini comme hallucinations par les psychiatres», affirme Serge Tracy.
Les interactions avec ses voix sont nombreuses, et quotidiennes, allant d’une centaine par jour à quelques milliers.
«Pour ma part, elles sont beaucoup dans les bruits ambiants, le moteur d’un camion dans lequel je vais entendre ''voyons donc! '', ou la neige sous mes pas qui me dit ''crisse ton camp''», poursuit-il.
On parle peu de la réalité de ces patients, selon Marc-André Roy, médecin psychiatre à l’Institut universitaire en santé mentale de Québec. «La stigmatisation est vraiment au premier plan, et c’est un des grands défis pour les personnes qui présentent un trouble psychotique. Un défi par rapport à l’accès à l’emploi, au logement, ou la capacité d’établir un réseau social», énumère-t-il.
La psychiatrie a toutefois évolué, avec des approches différentes aujourd’hui. «Antérieurement, la psychiatrie orthodoxe assommait les patients, on éradiquait les voix, se rappelle Serge Tracy. Aujourd’hui, les psychiatres de nouvelle génération modèrent la médication, ça nous permet d’être plus actifs, plus en interaction avec les autres. Mais ça demande de s’adapter à la présence des voix.»
Cette adaptation, Serge la trouve notamment au sein des groupes de support d’entendeurs de voix présents au Québec. Le Réseau des entendeurs de voix québécois regroupe à ce jour 35 groupes de soutien. Serge Tracy est un des ambassadeurs du mouvement.
Est-ce à dire qu’il y a deux santés mentales, une dont on parle et l’autre dont on préfère ne pas parler ? «Je pense qu’on reconnaît beaucoup plus l’importance de la santé mentale avec ce qui s’est passé pendant la pandémie, le fait qu’il y a beaucoup de souffrance psychique au sein de la population, avance Marc-André Roy. Mais à ce jour, quand on parle des problèmes mentaux plus majeurs, comme les troubles psychotiques, on en entend plus souvent qu’autrement parler dans les médias quand il y a une catastrophe, que quelque chose de dramatique est arrivé.»
Serge déplore ce portrait inexact des entendeurs de voix. «Les gens restent marqués avec ça, ont une crainte de violence à notre endroit, alors que nous, on a peur de nos ombres», conclut-il.